Personne ne sait comment la bouillabaisse, plat connu depuis l’Antiquité, a gagné une telle notoriété et pourquoi il fut porté au rang de plat national en Uruguay et au Chili. Mais on sait en revanche que la rançon du succès est parfois amère et qu’il vous faudra être vigilant sur le choix du restaurant qui vous en propose une.

La bouillabaisse, ce plat incontournable du Sud de la France, nous vient des pêcheurs des calanques marseillaises. C’est dans la ville phocéenne, qu’elle a connu un renouveau grâce à l’exigence de certains restaurateurs, signataires d’une charte.

Un plat antique

Il faut revenir très loin en arrière pour trouver trace des premiers bouillons qui préfigurent le plat renommé d’aujourd’hui. Pour réaliser une recette, il faut d’abord quelque ustensile : le chaudron est connu des Grecs de Phocée fondateurs de Marseille, et des ingrédients : le poisson deviendra un met courant chez les Perses (450 av. J.-C.). Apicius (Ier s. ap. J.-C.), auteur gastronomique romain dont on a conservé l’œuvre jusqu’à nos jours, écrit dans son traité de cuisine qu’il existe un ragoût fameux concocté par les pêcheurs sur les petites plages de la côte méditerranéenne. Rien de très sophistiqué, bien au contraire : les pêcheurs se contentaient alors de faire bouillir de l’eau de mer et d’y jeter les morceaux de poissons déchiquetés et par là même invendables.

Des Calanques à Paris

La recette apparaît sur les tables parisiennes en 1786 quand deux Marseillais ouvrent un restaurant appelé Frères Provençaux. Exit l’eau de mer remplacée par un bouillon, ce qui évidemment ennobli la bouillabaisse. Au xixe s., la gastronomie française puise allègrement dans les richesses des cuisines régionales. Alexandre Dumas dans son ouvrage célèbre intitulé Le Grand dictionnaire de cuisine cite une recette de roubion de Marseille soit un bouillon dans lequel sont jetés des poissons de roche. Jean Reboul, auteur de La cuisine provençale, répertorie quant à lui 40 espèces de poissons pouvant améliorer ce plat. L’heure de gloire n’allait pas tarder. Elle vint avec Frédéric Mistral dont la verve magnifie un plat somme toute fort commun. Il donne par la même occasion une interprétation du mot provençal qui servait jusqu’alors à désigner ce bouillon : boui abaisso, signifierai « quand ça bouille, tu baisses » !!

Une recette de gastronome



Ainsi donnait-il la clé de la réussite de la bouillabaisse : une cuisson rapide des poissons dans un bouillon frémissant. Mais bien entendu, chaque cuisinière ou cuisinier a sa façon de préparer le bouillon, de mélanger les divers poissons, de préparer sa rouille. Il n’existe donc pas une seule recette mais quantité d’interprétations. Avec les vacances au bord de la mer, l’afflux de touristes sur les côtes, la bouillabaisse avait cruellement souffert et se résumait trop souvent à un court-bouillon huileux. Pour limiter les abus et redonner toute sa noblesse à la bouillabaisse, certains chefs ont élaboré en 1980 une Charte. Elle précise que ce plat n’est complet qu’avec au moins quatre espèces de poissons, découpées devant les convives avant la cuisson. Ces poissons sont méditerranéens : rascasse, rascasse blanche, araignée, galinette (ou rouget grondin), saint pierre, baudroie (ou lotte), congre ou scorpène. Le bouillon est servi en premier suivi des poissons égouttés et de pommes de terre accompagnés de rouille et de croûtons frottés à l’ail, présentés dans deux plats séparés. Ces exigences font bien sûr monter l’addition et pour une bonne bouillabaisse, il vous faudra compter 30 euros par personne. Les bons restaurateurs ne la font que sur commande (la veille) pour vous garantir les meilleurs poissons. Moyennant quoi, la dégustation de la bouillabaisse est un grand moment !
Renée Lauster pour beaute-femme.org