By Nat Acha on mercredi 22 octobre 2008
Category: Art et Culture

"Les pieds dans l'eau" roman de Benoît Duteurtre aux éditions Gallimard

L'écrivain Benoît Duteurtre, Prix Médicis pour "Le Voyage en France" en 2001, signe pour la rentrée "Les pieds dans l'eau", un roman familial parfumé aux embruns normands de son enfance, où il appris à décoder les moeurs d'une bourgeoisie bienséante et un rien "foutraque". Descendant du président René Coty, Benoît Duteutre n'avait jusqu'alors fait qu'évoquer sa vie antérieure. C'est chose faite avec ce roman de la maturité qui sans rage et sans complaisance, décrit une famille bourgeoise des années 1960.

Pour ce roman familial, Benoît Duteurtre a aiguisé son art de la dérision tranquille. Sans rancoeur et sans agressivité, retrouvant les rythmes chaloupés du style qui fit le succès de "La petite fille et la cigarette", il raconte l'univers dans lequel il a grandi. Né en 1960 à Sainte-Adresse à proximité du Havre, il fait ses armes à l'ombre des falaises d'Étretat. Au programme, un catholicisme bon teint, qui s'ouvre sans y adhérer vraiment aux révolutions de mai 68. Le tout sous la figure tutélaire de l'ancêtre qui fait la fierté de la famille. Le président René Coty, hôte de l'Elysée de 1953 à 1958, est celui qui rappela le général de Gaulle à son poste. Son arrière-petit-fils, l'écrivain Benoît Duteurtre, ne l'a pas connu (René Coty est mort en 1962), mais il lui est difficile d'échapper à l'évocation du "grand homme" mal aimé des Français et aux tentatives maladroites de ses tantes pour le réhabiliter. Tout cela dans l'une de ces demeures en bord de mer, ces "folies" où l'été stagnent les rancoeurs, les piques acérées, les conflits sourds.

Se détacher, s'enraciner

Ce récit autobiographique mêlant observation sociale, humour et poésie montre combien la position de Benoît Duteurtre au sein de cette famille a nourri sa philosophie de la vie. Car sa famille n'est conformiste qu'en apparence, et plus tard, quand il inaugure la comédie sociale de la France contemporaine (L'amoureux malgré lui, Tout doit disparaître), c'est avec ce franc décalage qui le sépare du rang social dans lequel il a baigné enfant. Nostalgique pourtant, l'écrivain l'est encore, tant il semble attaché à ses rivages normands, synonymes d'une époque révolue.

"Le 29 septembre 1990, une vingtaine de descendants de René Coty se retrouvèrent à l'Élysée. Chez les petites-filles du Président, d'ordinaire si ardentes à rompre avec le passé, l'opportunité sembla éveiller un brin d'amusement. Les années glorieuses s'éloignaient suffisamment pour prendre un arrière-goût folklorique. Tout le monde avait oublié le nom de Coty sauf pour le confondre avec celui d'un parfumeur. L'époque présidentielle ne représentait plus une menace avec ses privilèges. Rien ne pouvait désormais entraver le triomphe de cette vie normale vers laquelle ma famille inclinait depuis trente ans."

Décidément, le Benoît Duteurtre satiriste du monde moderne, semble avoir laissé sur la falaise d'Etretat son cynisme pour un babille courtois, ce qui pour Shopenhauer était "la condition essentielle de la vie en société."

Renée Lauster pour beaute-femme.org

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